Jeanne Anna Marie Suzanne Roussi naît le 11 août 1915 à La Poterie, aux Trois Ilets, où résident alors ses parents. Suzanne part en 1933 poursuivre des études de lettres en France, d’abord à Toulouse, puis en 1934, à Paris.
Dans cette ville, elle fréquente un groupe d’ami-e-s, quelques-uns des membres du groupe Légitime Défense et le futur trio de la négritude : l’écrivain guyanais Léon Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor, et… Aimé Césaire. Tous et toutes collaborent à la revue L’Étudiant Noir que dirige Césaire.
Suzanne Roussi et Aimé Césaire se marient le 10 juillet 1937 à Paris.
En 1938 pour Suzanne, c’est la fin des études, le premier poste en France et en septembre 1939, les Césaire rentrent en Martinique. Suzanne enseignera au collège technique du Bassin de Radoub.
En Juin 1940, le Haut-commissaire, l’Amiral Robert, se rallie au régime pétainiste de Vichy. L’amiral restreint encore les libertés. Suzanne Roussi Césaire fonde alors avec Aimé Césaire, René Ménil, Aristide Maugée, Lucie Thésée, Georges Gratiant et quelques autres, la revue culturelle TROPIQUES. Son objectif ? « Affirmer l’originalité de la culture des Antilles et ses racines africaines » et « dire non à l’ombre ».
Suzanne Roussi Césaire en assure « la vie matérielle » et « anime la revue avec une foi et un talent exceptionnel » mais surtout, elle y contribue en y écrivant sept essais dans lesquels la vivacité de son style, la passion de ses convictions et la fulgurance de ses intuitions frappent les esprits.
Après la guerre, Césaire est élu député à l’Assemblée nationale. Suzanne Césaire doit s’installer à Paris avec son époux. Militante ardente, elle entretient une correspondance soutenue avec les communistes de la Martinique tout en militant aussi activement au P.C.F.
TROPIQUES s’est arrêtée avec l’entrée en politique des Césaire et de beaucoup de leurs amis. Suzanne écrit encore, en 1952, Aurore de la liberté, une pièce sur l’abolition de l’esclavage qui obtint un grand succès.
Suzanne reprend un poste de lettres. Elle est sur tous les fronts. Professeur avant-gardiste, elle écrit ou adapte des pièces de théâtre pour ses élèves. En même temps, elle s’occupe des six enfants du couple à qui elle s’efforce de transmettre, selon le beau témoignage de sa fille Ina, une éducation à la fois antillaise et internationaliste. Enfin, elle reste une militante active (distribution de L’Humanité Dimanche…)
Les six années qui suivent la rupture avec le P.C.F en 1956, le dur conflit avec les communistes martiniquais, la détérioration de la santé de Suzanne et son hospitalisation, tout cela accélère la dégradation des relations dans le couple.
En 1963, les époux divorcent à l’initiative de Suzanne. On sait qu’elle rencontra un nouveau compagnon, mais sur ce sujet, ses proches gardent un silence pudique. Elle meurt après une longue maladie, en avril 1966. Elle a 51 ans.
L’HÉRITAGE DE SUZANNE
Suzanne Roussi Césaire a laissé à toutes celles et à tous ceux qui l’ont connue le souvenir d’une femme remarquable. On a beaucoup vanté sa beauté, mais nous retiendrons surtout son intelligence, sa culture, la hardiesse de ses vues avant-gardistes, son indéniable empathie avec son peuple, et son indomptable énergie. Ses thèses et sa personnalité ont beaucoup influencé ses contemporains (René Ménil…). Elles marqueront durablement la littérature antillaise et sont à l’origine d’écoles comme l’antillanité, la créolité…
Enfin, même si on ne lui connaît pas de prise de position féministe explicite et publique, les jeunes femmes martiniquaises d’aujourd’hui peuvent trouver en elle l’exemple d’une femme autonome économiquement (elle a pratiquement toujours travaillé) et intellectuellement libre. Elle n’a jamais cédé et a su, après 26 ans de mariage, mettre un terme à une union – pourtant prestigieuse – qui ne lui convenait plus. Et elle a même tenté de reconstruire un nouveau bonheur.
Seule la maladie a pu venir à bout de cette femme-flèche !
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