Article publié par France-Antilles le 7 mars 2015.
L’hypersexualisation sociale inquiète les féministes. Samedi dernier, en amont du 8 mars, une rencontre-débat sur ce thème (ou « Comment accompagner nos enfants ? Comment les aider à se construire ? » ) a été organisée par l’association Culture Égalité, à l’espace Camille-Darsières, à Fort-de-France.
Une culture de l’hypersexualisation est-elle en train de s’emparer du développement sexuel de nos filles ? Oui, s’alarme l’association Culture Égalité, qui a tenu, samedi dernier, à l’espace Camille-Darsières, à Fort-de-France, une rencontre-débat sur ce phénomène pour le moins prégnant et insidieux. On peut parler d’hypersexualisation lorsque des filles sont dépeintes ou traitées comme des objets sexuels. Le terme implique également une sexualité imposée aux filles de façon inappropriée par le biais des médias, du marketing ou de produits s’adressant à elles et les encourageant à avoir des comportements sexuels d’adultes. Pensons par exemple à la mise sur le marché de strings ciblant les filles de 6 ans, aux publicités représentant des jeunes filles dans des poses « sexy » et aux filles vêtues et dansant dans un style porno sur les paroles très adultes de leur artiste préféré. Que l’hypersexualisation soit un phénomène nouveau ou non, l’usage généralisé d’Internet, des téléphones portables et d’autres matériels de communication ont rendu la diffusion d’images de filles hypersexualisées beaucoup plus facile désormais.
Samedi dernier, les membres de Culture Égalité ont essayé, par la discussion avec des professionnelles (éducatrices, infirmières, psychologues…), également mères de famille, de faire surgir des conseils pour aider les parents désemparés. « On ne doit pas se laisser imposer des normes par les géants de la pornographie » , lance à l’assistance Géraldine Dethoré, membre de l’association Culture Égalité. « C’est une industrie qui génère des millions d’euros de profit. En suivant ces normes, nos jeunes filles pensent qu’elles seront plus belles, or, elles sont victimes du marketing » . Marilyn Patole, psychologue clinicienne et psychothérapeute, rappelle que nous vivons dans une société de l’image ; et se dit choquée de voir, dans sa pratique, des toutes jeunes filles passer leur temps à se regarder dans le miroir ou à suivre des telenovelas. « Ainsi très tôt, elles sont plongées dans ce monde d’adultes » , constate-t-elle. Avec des scénarios fondés le plus souvent sur l’exploitation de sentiments tels que l’amour, la jalousie ou encore la trahison. La psychologue clinicienne voit également débarquer dans son cabinet des fillettes de 8 ans « très sexy » . « Il y a une vraie réflexion à mener » , insiste-t-elle. « Car à l’adolescence, on ne répare pas des années de non-éducation » . L’attitude de certains parents suscite l’irritation d’une femme, qui s’interroge : « Mais que veulent vraiment les mamans ? Veulent-elles que leurs filles arrivent intactes à l’âge adulte, oui ou non ? » . Huguette Bellemare, membre de Culture Égalité, observe que de nombreuses mères peinent à discuter d’hypersexualisation ou de sexualité tout court avec leurs enfants. « Aussi, je pense qu’il y a un véritable endoctrinement » . Huguette Bellemare cite alors Chantal Jouanno, sénatrice UDI de Paris, qui, dans un rapport parlementaire sur le sujet, parle de la nécessité de développer une contre-culture. « Il faut se battre contre ces marchands du sexe qui veulent pervertir nos enfants ».
George Arnauld, cofondatrice de l’association, souligne qu’il ne s’agit pas tant de lutter de manière frontale contre l’industrie de la pornographie que d’amener les jeunes femmes à acquérir un esprit critique. Meilleur moyen de se prémunir contre les stratégies marketing dont elles sont de plus en plus les cibles (ou bien de les accepter librement). Mais comment instaurer un débat au sein de la famille ? La maman de deux filles, âgées de 8 et 11 ans, reconnaît qu’elle a éprouvé une certaine gêne pour parler avec elles de sexualité. « C’est finalement un neveu de 14 ans qui m’a dit : Il vaut mieux que ce soit toi qui en parles que quelqu’un d’autre » , raconte-t-elle. Une autre maman estime qu’il convient de converser avec une fillette de 8 ans avec des mots qu’elle comprend, « dans le respect de sa pudeur et de ses connaissances » . Une infirmière scolaire hoche la tête en signe d’approbation et souligne qu’« il faut se servir de toutes les occasions pour traiter de ces sujets avec son enfant » . « Tu as vu ces photos sur Wazapp, ou ces filles habillées d’une certaine façon sur l’affiche publicitaire ? Qu’est-ce que tu en penses ? » . L’infirmière scolaire poursuit : « On a le droit de dire qu’il y a des choses qui nous choquent » . Elle conclut : « Il ne faut surtout pas faire l’autruche. Il vaut mieux en parler maladroitement plutôt que d’éviter le sujet ».
La phrase
« Le phénomène de l’hypersexualisation est très largement véhiculé par les idoles telles Rihanna, Nicki Minaj, Amber Rose ou encore Beyoncé : celles-ci ont été sexuées dès leurs débuts et sont devenues de véritables sex symboles. »
Des normes sociales
Dans toutes les sociétés, la sexualité est codifiée par des normes sociales qui lui imposent un cadre d’expression. Ces normes sociales évoluent en fonction des époques et des codes culturels et sociaux d’une société. Ces codes édictent des normes distinctes en fonction du genre.
Le piercing et le tatouage
« Le tatouage et le piercing n’ont pas une origine pornographique. Les punks et les skinheads se sont emparés du tatouage et du piercing, à l’époque des signes négatifs, pour se démarquer de la « bonne » société. Tant pour les jeunes hommes que pour les jeunes femmes, le piercing et le tatouage ont essentiellement une fonction esthétique. Mais lorsque nous examinons l’endroit où se situent le piercing et le tatouage des jeunes femmes, nous constatons qu’ils revêtent davantage une fonction érotique que chez les hommes. Les idoles ont largement investi ces pratiques corporelles du piercing et du tatouage et en ont fait une revendication à connotation érotique » .
– Extrait du rapport parlementaire de la sénatrice de Paris, Chantal Jouanno, daté de mars 2012 intitulé «Contre l’hypersexualisation, un nouveau combat pour l’égalité » .
Un corps débarrassé de toute pilosité
L’épilation des parties génitales, appelée acomoclitisme, dérive directement de la filmographie pornographique. L’épilation totale des poils pubiens est devenue la norme dans l’industrie du sexe et au-delà dans la société. Déjà, en mai 1994, le magazine Vingt ans, un magazine français consommé par les adolescentes et même les préadolescentes, donnait des instructions à la jeune fille qui, venant à peine d’achever sa puberté, était invitée à traquer ses poils pubiens. De plus en plus pratiquée par les jeunes, elle entraîne le voyeurisme en donnant une extrême visibilité des parties génitales tout en véhiculant « l’image d’un corps infantilisé, aseptisé, prépubère, voire vierge » . L’épilation totale du pubis efface la distinction entre l’adulte et l’enfant. Synonyme hier de maturité sexuelle, le poil pubien est désormais jugé anti-érotique. Cette nouvelle perception du corps idéal n’est pas sans affecter la façon de s’habiller : en portant des pantalons à taille basse, même très basse, les filles donnent à voir un ventre qui suggère un sexe glabre, nouvel atout de séduction.
– Extrait du rapport parlementaire de la sénatrice de Paris, Chantal Jouanno, daté de mars 2012 intitulé «Contre l’hypersexualisation, un nouveau combat pour l’égalité ».
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