Ce qui m’a surprise et cueillie - dans la lecture théâtralisée de la pièce « Femmes au Conseil de Guerre » que j’ai vue à Tivoli - c’est la sensation physique d’y être, dans ces mornes , de les voir, ces groupes de femmes et d’hommes , et même de marcher à leur côté dans la nuit sombre , d’entendre leurs débats, leurs peurs pour ce combat pour la justice et la dignité.
Plus qu’un spectacle vu de l’extérieur, ce fut une imprégnation directe dans l’histoire de l’Histoire. L’Histoire de l’Insurrection du Sud et son déclenchement par l’affaire Lubin / Augier de Maintenon. Une pièce, captivante pour toutes les générations par sa justesse et son dynamisme.
Du jeu des comédien.nes, de la qualité des textes et de la mise en scène surgit l’imagination.
Pourtant les comédienn.nes sont derrière un pupitre ! Mais celui-ci disparait par l’évocation des récits. Aujourd’hui, il m’arrive même, lorsque je vais du côté de Rivière Pilote, de penser à elles, à eux sur Morne Honoré, sur Régale et plus loin, sur la Montagne du Vauclin. J’y aperçois Lumina (ou Marie-Philomène) et ses ami.es parcourant les Habitations, en brûlant quelques unes, haranguant les nègres, les appelant à suivre ce mouvement de révolte : « Ne dis pas vengeance, dis justice » dit-elle. « Il faut lutter pour bâtir plus grand que nous ».
Les femmes si souvent ignorées du récit historique ont une voix et un corps.
Les dates et faits sont précis, notamment sur la politique de Napoléon III : le passeport intérieur, le travail obligatoire pour les nègres tout juste « libérés » de l’esclavage qui risquent alors le cachot pour vagabondage. La liberté appelée vagabondage ?
On comprend enfin le sens de cette phrase de la chanson Gran mé Gran « Nous ka rété isi, a la pwochen nimero » et pourquoi il ne pouvait en être autrement, après 1848 , que de se révolter encore , de combattre encore pour sa liberté, pour sa dignité, pour la reconnaissance de son humanité, jusqu’au bout.
Et les femmes courageuses, fortes, étaient là, toujours .
Nathalie DELBOIS
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